Paroles de parkinsonien ! (2) 23 juillet, 2009
Posté par thierryperonmagnan dans : Paroles de patients , trackbackDans cette rubrique les patients ont toute liberté pour exprimer et décrire les stratégies motrices, cognitives, affectives qui améliorent leur quotidien. La lecture de celles-ci peut aider les patients et les accompagnants à rechercher des adaptations fines de leur comportement, toujours possible, pour améliorer leur qualité de vie. Après Irène Droit, c’est Yves qui décrit comment il fait face aux obstacles moteurs et « urbains » en usant de stratégies mentales, culturelles et esthétiques !…
Elucubrations de vacances américaines, In the Western PU mood !:
Je viens d’inventer un truc de balades urbaines pour tous, incluant les faignasses, les snobs, les gens malades, fatigués, les vieux, infirmes ou handicapés, les petits nerveux comme les belles de nuit, les mystiques et les laïcs… (ça touche donc tout le monde même si l’handicapé c’est par définition « l’autre »). On est tous frappé par la double nature de nos villes et ça les rends ambigües et produisant des sentiments contradictoires. Beaucoup plus qu’on ne veut bien le dire, il y a d’abord leur côté accueillant avec des personnes « urbaines », amènes, la ville c’est souvent d’abord un lieu d’accueil, d’échouage rattrapé ; d’entraide solidaire ,magnifique ; C’est leur nature hospitalière (on est témoin tous les jours de ces petites choses du quotidien, souvent faites par de personnes venu du dehors, d’ailleurs ) Et puis il y a la ville dangereuse ( celle qui est médiatisée), tout le temps en crise , inhospitalière, qui fait peur , c’est la ville hostile. Tout cela est fort banal mais attendez ; les lieux communs ça vaut le coup de les regarder de près ;.
Je pense qu’il en à été ainsi de tout temps, malgré tout, (plus ou moins). Mes difficultés motrices et fonctionnelles m’ont amené à repenser les choses, un au-delà de la cour des miracles, radicalement engagé contre le Grand Renfermement qui rode toujours à nos portes de ville depuis la date fatidique de 1654.
Devenant infiniment plus sensible à cette opposition ville hostile/ ville hospitalière ; repos/fatigue j’ai gambergé sur les endroits, les lieux de protections et de repos du corps offerts aux personnes… ; Havres de circonstances en dehors des espaces fait pour ça (parcs , jardins etc.) ; J’ai été très déçu : à part les capots des automobiles, et les glissières pas grand-chose; les petits équipements type bancs publics sont rares souvent inexistants, ils se raréfient même pour répondre à la sacrosainte loi qui fait que tout arrêt en milieu urbain est un péché contre l’ordre public, question de sécurité et de « prévention situationnelle » (sic) ; circuler !!! Mais comment circuler et avec quoi ? je n’en pouvais plus de marcher et je manquais de me rompre le cou en donnant raison à mes médecins et autres conseillers qui trouvaient mon expédition par trop risquée. Il a fallu inventer un truc… que j’ai repris de mon voyage antérieur à Lisbonne : « à la découverte des métropoles par mes chemins de miséricorde en miséricorde » Je devenais chanoine vieillissant de la grande église métropole et bien sûr dans mon pèlerinage, ma pérégrination urbaine , je n’avais cesse de rechercher les petits coins plus ou moins hospitaliers occasionnels, pensant à la dynamique du provisoire, , je cherchais et trouvais, de morceaux de route en morceaux de route, de quoi m’appuyer, m’accouder parfois même poser mes fesses des « miséricordes de fortunes » mais qui pouvaient me permettre de continuer ; ces petites choses , parfois des déchets, des rebuts, des morceaux de bois existait bel et bien pour moi comme des havres . donc pourquoi chercher ailleurs des lieux pour découvrir la cité. J’avais trouvé mes points de vue sur la ville au repos relatif je pouvais tourner ma tête et voir ce qui n’avait peut-être jamais été vu comme cela avant ; clic clac photo ;. »La prochaine fois » j’emmènerai un dictaphone et je ferais mon récit ;
(ci-dessous copie d’un autre mail sur le même sujet)
Le voyage a été épatant et éreintant !!! Le contour de mes limites se dessine de plus en plus clairement ! mon corps invente avec ce qu’il lui reste de pouvoir faire/penser.. ;Une nouvelle dialectique théorie /praxis se met en marche assez difficilement, avec des renoncements pour garder l’essentiel ; mais c’est au fond malgré tout fort intéressant ; voir la phylogénèse et l’ontogénèse à l’envers ; « apprendre à désapprendre » m’avait dit un ami qui est atteint par le même mal ; assertion à laquelle je n’avais rien compris du tout à l’époque ; c’était encore le début… Je me rappelle la force qu’avait eu pour moi les «bonnes recommandations » écrites sur les questions du handicap dans le livre d’Elisabeth Caillet des « good practices » pédago-médiumnique dans les musées :nous sommes tous des handicapés potentiels et nous dévons tous pouvoir comprendre tout le bénéfice que l’on peut tirer d’un travail pédagogique ou de médiation culturel ave les handicapés, bénéfice pour les animateurs, les pédagogues , les conférenciers et surtout pour tous nos publics , supposés normaux… en somme pour le Service Public :. J’avais déjà pensé cela et même défendu publiquement cette position avec des arguments analogues mais là s’était écrit et cela changeait tout pour moi et pour les personnes de mon entourage d’alors, malades ou impotents. Je remets le couvert si je puis dire et me plais à trouver des solutions , à inscrire de nouvelles pratiques partageables et transmissibles à d’autres … Je ne raconterais pas Lisbonne et l’impossible gravitation universelle des corps dans cette ville où tout monte et descend sauf notre énergie qui reste au plus bas . J’ai trouvé un truc , au moins aussi vieux que les églises romanes : réinventer les miséricordes des chanoines de chœur et en faire un parcours improvisé et aléatoire, mais physiquement possible (se dire « oui ce petit coin que je vois là, je peux y aller sans trop risquer de me rompre le cou) ; ici un pan de mur un peu penché du bon côté pour pouvoir trouvé un arrêt indispensable à sa bonne gestion corporelle, sinon reposant ; là un accoudoir de fortune fait du rebord d’une fenêtre ; ailleurs peut-être se lover dans un mur arrondi concave et ombragé (trop rare rencontré une fois), le plus souvent un parapet ou une bordure quelconque et toujours faire de ces miséricordes opportunes un fragment du perceptible de l’urbain environnant, se délecter du lieu, retrouver l’âme contemplative aux milieu d’un foutoir urbain comme Los Angeles OUI s’est possible ; à côté, tout prêt de l’insupportable (a priori) ,il y a toujours le petit coin que personne ne regarde, ne voit, et qui pourtant redonne courage et vie aux promenants ; en plus c’est une perception original, presque exclusive, singulière, un « regard œuvre » neuf qui ouvre de nouvelles perspectives de représentation de l’espace urbain tout entier ; comme l’un des symboles urbains oublié et retrouvé pour le partage , ce mur, cette fenêtre, cette plante là et comme ça ; cet auvent, tel détail d’une façade haute que l’on ne peut voir qu’arrêté à la « miséricorde de fortune » nous racontent et témoignent de la vie des hommes d’ici et de leur savoir-faire, de leur art de bâtir , d’agencer et de créer dans le créé. La recollection de toutes ces choses infiniment petites mais agencées d’une certaine manière, cadrées comme de nouveaux paysages à voir, que le regard scrutateur et singulier détecte par le hasard du point d’arrêt « miséricorde », se transforme en question de gout. Ces morceaux de ville et de paysages urbains identifiés, redéfinis, peuvent enfin être reconnus, montrés et rendus visibles voire artialisés (Montaigne) et entrer dans une sorte d’espace public symbolique potentiel de la ville par le partage hypothétique de lieux étonnants, jamais regardés auparavant. Des lieux, des bâtiments, un espace en déshérence, certains détails du paysage , des matériaux de constructions ou de parement récurrents ,ou des éléments botaniques voire zoologique encore vierge de tout regard interprétatif, jamais regardés comme signifiants, se créent se forment, se transforment tout en se livrant à un jeu complexe autour des formes d’identités de la ville dans son histoire (un peu du Halbwachs mon truc) . On décline des métonymies trouvées là, essentiel à se que l’on pense et ressent de cette ville en général avec ces « inventions’,ces trouvailles de chez ma tante(1) ou des Morillons(2). L’inventeur à toute licence en synecdoques, enregistrées (DR) par des photos, par la trace de la voix essoufflée sur le dictaphone ; Ainsi je peux retrouver quelques facteurs essentiels au plaisirs des sens dans la ville, de l’analyse d’icelle après investigation , au rythme des plaisirs de la découverte en marchant et à l’arrêt, au repos de ce corps qui me sert d’âme : le chemin de croix se transforme en une succession temporelle possible à supporter alternant fatigues et repos : cela forme un nouveau chemin des errances et autres dérives psycho géographiques de nos, chers situ..(3) ; Evidement il faut pouvoir communiquer, mettre en commun partager le butin avec d’autres.. C’est à cela que je voudrais m’atteler maintenant ; c’est dans la vocation « trans » (versalité, mission, fuge, action, figuration, genre, disciplinaire, générationnelle culturelle, etc.) du Centre Pompidou depuis le départ mais est-ce dans celle d’aujourd’hui ? je l’espère ardemment ; j’ai, comme beaucoup, tellement besoin de ces petites miséricordes à partager !
Yves
1) Désigne en argot le Mont de Piété
2) Célèbre rue de Paris où se (re)trouve les objets trouvés!
3) Référence à l’Internationale Situationniste
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Merci à Yves pour ce texte vivifiant !